Yvonne est pour moi l'exemple parfait d'une femme qui n'aurait jamais dû être mère.
Je lui ai longtemps trouvé des excuses : mort de son père alors qu'elle avait 3 ans et ballotements chez les tantes tandis que sa mère travaille. Déception d'un premier amour volage. Trahison de la nature qui lui a envoyé une fille alors qu'elle attendait le remplacement du bébé mâle qu'elle avait perdu .
Je vous l'accorde , cela n'aide pas . Mais je persiste à dire qu'elle n'avait pas du tout la fibre maternelle et je fus choisie pour être le bouc émissaire de ce qu'elle considérait comme une vie ratée. Sur son lit de mort, alors que bêtement j'attendais un cri du coeur, elle m'a simplement dit que ça la soulageait de me faire mal.
Dès que j'ai commencé à marcher ce fut pour m'entendre dire : " assis et pas bouger" ! Je n'ai jamais eu droit au moindre bonbon ( mes dents lui disent merci) ni aux jouets. Si par hasard quelqu'un se risquait à m'en offrir un, elle l'enfermait à clé dans un meuble et ne le ressortait que pour amuser un autre enfant venu rendre visite. Ma planche de salut fut la lecture : je lisais tout ce qui me tombait sous la main...c'est à dire pas grand chose avant d'aller à l'école ! Ayant peur des coups de ceinture qui pleuvaient dès que j'essayais de déroger à la règle de l'immobilisme absolu, je me pris à rêver de ce que je ferais lorsque je serai grande : autant vous dire que j'étais prête.
Comme j'étais une enfant calme et très obéissante elle ne pouvait pas se défouler tout son saoul . Elle appliquait alors la règle simple du " je te préviens si ..." et là elle inventait toutes sortes de désobéissances ( je dois dire qu'elle en connaissait un rayon ! ) que j'aurais pu faire Pour m'ôter l'envie de m'y adonner, elle se lançait dans des sermons accompagnés parfois de gifles et fessées pour me prévenir que je n'avais pas intérêt à essayer ! Lorsque des visites inattendues pointaient le bout du nez et lui demandaient le pourquoi de tant de cris, elle répondait froidement qu'il fallait bien qu'elle fasse mon éducation et que je la remercierais plus tard. Désolée Yvonne mais je ne te remercie pas de m'avoir volé mon enfance, mon adolescence, ma vie !
Je ne m'y suis bien sûr jamais risquée mais en pensée j'avoue l'avoir fait souvent !