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A présent les moments de liberté étaient occupés par la recherche d'un constructeur. Très rapidement il fallut se rendre à l'évidence, une maison neuve coûtait très chère. C'est alors que sur un des petite journaux gratuits distribués dans les boîtes aux lettres, Paulette mis les yeux sur la publicité des chalets Perazio. Il s'agissait de coquettes habitations très modernes mais d'une conception révolutionnaire pour l'époque. Les murs étaient une ossature de bois sur laquelle des panneaux de plâtre étaient appliqués. Le prix était très compétitif , Paulette décida André et ils allèrent voir les quelques modèles construits en exposition près de Valenciennes. Les derniers renseignements en poche, ils se décidèrent. Le modèle choisi comportait un vaste séjour, une cuisine fermée, une grande salle de bain, des WC séparés et trois chambres. La construction était prévue pour durer trois mois. Si tout se passait bien, ils pourraient emménager au tout début des grandes vacances et Paulette aurait le temps de s'organiser.
Un problème de taille se posa lorsque Zoé arriva toute mielleuse : « voici les papiers à remplir pour votre changement, sachez que je vais appuyer votre demande » Paulette prit une profonde inspiration pour lui annoncer qu'elle ne demandait plus son changement puisqu'elle faisait bâtir à Hergnies. Ce jour-là Zoé faillit avoir une attaque et cette fois, ce n'était pas la faute des apéros ! Elle lui fit longtemps la tête mais toute à ses projets Paulette n'en eut cure.
Les préparatifs de cette grande aventure mettait les nerfs de Paulette à rude épreuve car ils venaient en complément de la fatigue du trajet quotidien en tram et aux retours toujours avinés et brutaux de André. Ce dernier ne trouva pas ses clefs un soir pour rentrer, elles étaient pourtant dans sa poche mais il préférait hurler « ouvre que je te tue ! » depuis l'entrée commune. Tremblante Paulette allait ouvrir quand les coups frappés à toute volée dans la porte et les menaces de plus en plus meurtrières la firent reculer. Elle finit par vérifier que la porte fenêtre qui donnait dans le jardinet était solidement fermée et partit se tapir dans la salle de bain, attendant que l'orage passe, attendant une intervention éventuelle des voisins de palier mais.. personne ne vint, attendant le coma éthylique et priant pour que dans sa saoulographie il ne porte pas la main à la poche et ne trouve pas ses clefs. Un long, interminable moment plus tard, les coups frappés à la porte cessèrent et elle l'entendit s'éloigner. Le claquement de la porte de l'estafette lui indiqua qu'il était à l'entrée du jardinet dans sa voiture. Il y cuva jusqu'au lendemain à 3H , Paulette qui n'avait pas dormi, l'entendit partir au travail.
L'espoir qui soutenait Paulette c'est qu'il n'oserait plus se mettre dans de pareils états lorsqu'ils habiteraient près de chez ses parents.
C'est donc bien fatiguée que Paulette prenait chaque jour le vieux tram brinquebalant. Le soir, elle avait beau essayer de résister, elle n'était pas encore à la sortie du village que déjà elle s'endormait. Immuablement c'est le grand virage de la croix d'Anzin , le carrefour juste avant Valenciennes, qui la réveillait. Une espèce d'instinct lui faisait ouvrir les yeux...pour trouver en face d'elle le même contrôleur qui ne manquait pas de signaler « Vous avez encore fait une bonne nuit madame! » Paulette aurait voulu disparaître sous terre mais se contentait de sourire, gênée.