Et puis ce souvenir qui la hante en lui laissant à chaque fois une impression de malaise difficile à effacer . C’est l’été et il fait très chaud . Paulette demande à sa mère quelque chose à boire . . à la place du verre d’eau habituel et pris à la pompe , Paulette se voit proposer une limonade . Cette aubaine inattendue la fait sauter de joie tandis que Yvonne revient avec une bouteille remplie d’un liquide incolore . La mère fait sauter d’un doigt la capsule munie d’une rondelle de caoutchouc et propose à Paulette éberluée de boire à même le goulot de la bouteille . Assoiffée , Paulette va s’exécuter quand l’odeur qui se dégage de la bouteille la fait reculer .
_ « Alors tu bois ? , s’impatiente Yvonne
_ Non , elle sent pas bon ta limonade !
_ Bois je te dis » , insiste Yvonne qui attrape Paulette par les cheveux ( qu’elle porte très longs ) et qui approche dangereusement le goulot de la bouche de l’enfant .
Paulette crie de toute la force de ses petits poumons puis serre obstinément les lèvres C’est dans cette position de combat que les trouve Irma la voisine , qui fort heureusement est encore à court de sel ! Yvonne ne se démonte pas et explique qu’à cause de la chaleur elle veut faire boire la petite . Vite , la petite en profite pour dire combien la limonade de maman pue . Presque amusée , Irma approche la bouteille de son nez .. « Mais malheureuse , s’écrie-t-elle , c’est de l’ammoniaque !!! Tu ne voulais tout de même pas qu’il lui arrive la même chose qu’à Louison ? »
Louison était à l’hôpital après avoir absorbé de l’eau de javel concentrée , il faut dire que Louison est trisomique , ce qui ne l’empêche pas d’être entre la vie et la mort , le tube digestif complètement brûlé . C’est bien des années plus tard que Paulette comprendra le sens des paroles de sa mère : « Pourtant j’aurais eu tout le village pour moi , chacun aurait été là pour me soutenir et me consoler . A cause de toi , personne ne s’occupe de moi ! » Et c’est plus de trente ans après qu’elle apprendra que son père , mis au courant de l’incident s’était résolu à en parler au médecin .Pas le médecin de l’accouchement mais un tout nouveau médecin fonctionnaire payé par les Houillères et que le personnel des mines consultait gratuitement . L’autre , le marié-malgré-lui ,( il est toujours avec sa femme mais personne ne sait si elle a encore le revolver … ) exerce toujours mais il est payant et non remboursé . Le jeune Dr Bazart était direct : il avertit Victor que sa fille courait un danger auprès d’une mère qui l’avait rejetée dès la naissance . Le seul remède d’après lui , était d’interner Yvonne ! Victor était anéanti car il l’aimait tendrement son Yvonne . Il décida donc de la garder à la maison et puisqu’il ne pouvait pas sans cesse surveiller la petite, quand il partait travailler par exemple , il entreprit de dire la vérité à Yvonne en insistant sur le fait qu’elle serait tenue pour entièrement responsable s’il arrivait malheur à l’enfant et que dans ce cas lui , Victor , ne la protègerait plus Yvonne était loin d’être sotte et comprit vite où était son intérêt : elle promit de ne plus attenter à la vie de l’enfant et tint parole . Mais la haine était dans son cœur , elle se jura de faire payer à cette usurpatrice de Paulette tous les malheurs qu’elle avait endurés . La phrase « Moi vivante tu ne seras jamais heureuse » Paulette entendit sa mère la lui répéter tout au long de sa vie …La suite vous la connaissez . Je vais tâcher à présent de vous parler de choses plus gaies !