Avant d'entrer au collège Paulette se penche sur son passé récent. Elle revoie les premiers pas à l'école, le déménagement. Elle se souviens aussi de sa solitude surtout pendant les grandes vacances scolaires.
Les vacances pour Paulette étaient synonymes d’ennui . Elle passait son temps à se faire oublier . Elle avait tout essayé : les conversations sur les membres de la famille « tais-toi ! » , les conversations sur la maison et le ménage « tais-toi ! » les conversations sur la cuisine et la préparation des repas « tais-toi ! » . Yvonne tenait absolument à ce qu’elle reste en dehors de tout , mais elle l’obligeait à se lever aux aurores sous prétexte qu’elle n’allait pas en faire une fainéante . Chaque lever était un cauchemar pour la pauvre Paulette , à huit ans elle dormait du sommeil du juste lorsqu’à six heures trente sa mère arrivait en criant à tue-tête « debout là dedans ! » et Yvonne ramenait d’un geste brusque drap et couverture au pied du lit , laissant la fillette désemparée d’être si violemment tirée de ses rêves . Yvonne ne manquait jamais d’ajouter « Et en vitesse , que je ne sois pas obligée de revenir .. » Si bien que lorsque Victor arrivait , ils pouvaient petit déjeuner tous les trois avant que Victor n’aille se coucher . Contrairement à la plupart des mineurs , Victor rentrait tout propre à la maison . Il mettait un point d’honneur à se doucher dès sa remontée du fond et à enfiler une tenue toute propre avant d’enfourcher sa bicyclette pour rentrer tout droit à la maison . Cela évitait à Yvonne d’avoir à installer le baquet plein d’eau tiède au milieu de la maison . Victor donnait aussi ses tenues de travail à laver à des dames qui se proposaient contre une petite somme d’argent , ces femmes avaient toutes un mari mineur . Victor ne ramenait ses tenues qu’une fois par semaine à la maison pour un lavage approfondi et une vérification des coutures et boutons . Victor ménageait son Yvonne !
Lorsque son mari était parti se coucher , Yvonne menaçait : « Que je ne te trouve pas dans mes jambes ! Je nettoie , tu ne touches à rien ! Jouer ? Est-ce que je jouais moi quand j’avais ton âge ? Reste assise et tais-toi , chez moi les enfants ne prennent pas la parole devant les grandes personnes »
Il ne venait pas grand monde à la maison . De toute façon Victor ne tenait pas à avoir des relations avec les autres mineurs qui avaient tendance à abuser des boissons alcoolisées et tenaient alors des propos déplacés , il évitait aussi que Yvonne ne soit en contact avec les autres femmes de mineurs dont le sport favori était la médisance et le colportage de ragots . C’était aussi pourquoi ils habitaient une maison particulière si loin de la mine au lieu des maisons de corons , fournies par les Houillères . La mine était pour lui un travail qui lui permettait de faire vivre décemment sa famille mais il mettait un point d’honneur à tenir sa femme et sa fille éloignées d’un milieu qui se dégradait au fil des ans . Les seules visites étaient la famille , pas souvent et toujours lorsqu’ils étaient sûrs de ne pas réveiller Victor