Paulette n’aimait pas du tout avoir à parler à un examinateur , elle était beaucoup plus à l’aise avec sa copie . Pourtant l’épreuve de français sur « la mort du loup » d’Alfred de Vigny lui rappela le sermon qu’avait fait monsieur le curé ( professeur de théologie au séminaire ) en chaire le dimanche précédent et qu’elle avait écouté avec beaucoup d’attention . Elle prépara donc son entretien avec soin , faisant un plan clair qu’elle n’eut aucun mal à exposer à une examinatrice fort ennuyée car le travail méritait la note maximale et elle ne pensait pas qu’il soit possible d’aller jusque là …elle verrait lors des délibérations avec le jury . Réconfortée , Paulette se dirigea vers l’épreuve de géographie , elle tira un papier plié en quatre , le déplia avec appréhension et y lut : « Madagascar » . Catastrophée , elle partit s’asseoir pour réfléchir …ce chapitre n’avait pas été traité en classe car jugé peu important par la jeune professeur . Elle n’arriva pas à écrire une seule ligne et comparut devant le vieil examinateur sévère avec une page blanche . Quand il comprit d’où venait le désarroi de Paulette , il essaya de lui faire dire quelques généralités car un zéro était éliminatoire « Mademoiselle , je vous mets trois par bonté d’âme mais vous étiez sensé étudier seule ce qui n’avait pas été fait en classe ! » Sur ces bonnes paroles Paulette rejoignit les autres pour patienter dans la cour jusqu’à la proclamation des résultats . Voyant sa mine défaite , Yvonne questionna sa fille . La réaction fut si violente que les autres mamans prirent Yvonne à part pour la calmer . Le petit groupe de la veille s’était reformé et un jeune homme s’adressa à Paulette : « Dis donc , ta mère , tu la sors d’un camp de gendarmerie ou quoi ? Je te plains ma pauvre fille . » C’était la première fois que quelqu’un critiquait Yvonne et plaignait Paulette , elle en fut toute réconfortée . Un silence se fit soudain dans la cour : on venait d’afficher les listes des lauréats et l’instant d’après ce fut la ruée . Des grappes d’ados déchiffrant les listes se détachaient des jeunes parfois hilares et exubérants et parfois effondrés et en larmes . Paulette était toujours en retrait , tétanisée elle n’osait pas aller vers les listes, à Yvonne elle avait dit vouloir attendre qu’il y ait moins de monde pour bien voir . Tout à coup , la directrice du collège de Vieux Condé parut sur le seuil et réclama Paulette . Le monde s’écroulait autour d’elle , sûrement la directrice venait la chercher pour la gronder d’importance . Tête basse elle se dirigea vers Mme Herbin qui l’appelait et qui , à sa grande surprise , l’embrassa sur les deux joues :
_ « Bravo mon petit , vous avez été à la hauteur !
_ Pourquoi ?
_ Mais vous n’avez pas vu les listes ? Vous êtes la seule à avoir eu la mention bien … et encore , tout le monde est d’accord , vous méritiez très bien …s’il n’y avait pas eu la géographie ! »
Paulette pénétra dans la petite pièce où tous les professeurs et correcteurs étaient réunis. A son entrée , une salve d’applaudissements se fit entendre . Puis ses professeurs vinrent la féliciter chacun leur tour …même le professeur d’éducation physique qui avait fait le déplacement alors que les épreuves de gymnastique avaient eu lieu quelques jours avant . Seule , à l’écart , boudant dans son coin , la professeur de géographie la fusillait du regard !
Lorsqu’elle put enfin sortir de la pièce , Paulette se précipita vers sa mère en criant : _ « Je l’ai ! Je l’ai !
_ N’aurait plus manqué cela que tu le rates , avec tout ce que me coûtent tes études ! »
Ce fut le seul compliment qu’elle reçut de Yvonne . Le retour en tramway fut silencieux . Yvonne ne sortit de son mutisme qu’en arrivant à la maison où l’attendait sa Cour
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